Incendie : le «J'accuse» du propriétaire

Publié le par JCV

Incendie : le «J'accuse» du propriétaire

Propos recueillis par Cyrille Louis et Marie-Christine Tabet
[31 août 2005]




Le Figaro. - Comment réagissez-vous au drame de la rue du Roi-Doré ?



Joseph O'DRU - Je suis profondément bouleversé. Mon avocat m'a appris la nouvelle ce matin. Je n'y croyais pas. Il faut être des monstres pour avoir maintenu de pauvres gens aussi longtemps dans une situation pareille. Aujourd'hui, on veut faire croire que le propriétaire n'a pas fait son devoir. Je considère que ce drame était annoncé. Il est le produit d'une mécanique administrative effroyable et de l'inconscience de certains qui considèrent que le droit au logement justifie tout. Depuis cinq ans, j'ai absolument tout fait pour récupérer cet immeuble. J'en suis à mon septième avocat. En 1999, des familles se sont installées indûment chez moi et je n'ai pas pu les déloger.



Comment cela s'est-il passé ?



J'ai acheté cet immeuble en 1983. Il s'agissait d'un hôtel de préfecture. Le gérant louait des meublés. En 1999, ce monsieur est décédé. Ses ayants droit n'ont pas repris l'activité et j'ai récupéré mon bien. Sur le papier seulement. En quatre jours, des squatters ont pris possession des lieux. On a changé trois fois les verrous, trois fois les portes ont été enfoncées. J'ai fait un référé devant le tribunal de grande instance de Paris qui a donné un mois aux occupants pour partir. Bien conseillés, ils ont fait appel. En septembre, le juge leur a une nouvelle fois demandé de partir.



Pourquoi avoir laissé pourrir la situation ?



Pendant des mois, des huissiers se sont rendus rue du Roi-Doré pour faire exécuter la décision. En vain. Ils ont demandé l'intervention du commissaire de police en 2001 et 2002 qui n'a jamais répondu. Le 1er juillet 2004, le préfet a prononcé une interdiction d'habiter. Il m'informait que je ne devais plus percevoir de loyers. Un comble ! La situation de l'immeuble a continué à se dégrader. En avril 2004, le préfet a rendu cette fois un arrêté de péril. Tout le monde savait que cet immeuble était dangereux.



N'aviez-vous pas une responsabilité en tant que propriétaire ?



C'est une situation ubuesque. Je vous rappelle que l'immeuble était squatté depuis cinq ans. Le premier août 2004, la mairie a engagé une procédure d'expropriation en arguant que je n'avais pas rempli mes responsabilités. Mais, depuis cinq ans, je n'ai pu entrer chez moi. Le 8 décembre 2004, j'ai été exproprié. Quelques mois plus tard, j'ai commencé à recevoir un premier commandement à payer de 40 000 euros pour des travaux effectués pour remédier aux problèmes de saturnisme. Ensuite, j'ai reçu les factures des chambres d'hôtel dans lesquelles les résidents avaient été provisoirement installés pour permettre l'exécution du chantier. A ce moment-là, la mairie a su les reloger. Pourquoi n'a-t-elle rien fait auparavant ? L'administration s'est comportée comme si j'étais un marchand de sommeil qui exploitait de pauvres malheureux alors que deux décisions de justice m'avaient donné raison.


La ville affirme vous avoir proposé de racheter le bien...


C'est vrai. La ville m'a proposé de le racheter pour une bouchée de pain. Ils m'ont proposé royalement 303 000 euros alors que des marchands de biens m'offraient au même moment un million d'euros. Je ne suis pas un professionnel de l'immobilier, je n'ai pas d'autres biens à Paris. Je voulais récupérer la valeur réelle. J'ai perdu beaucoup d'argent dans cette affaire. Le dossier est désormais devant la cour de Cassation. Mais, à côté des vies qui ont été sacrifiées dans cette affaire, ce n'est rien.

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