Retour de l'inflation ?

Publié le par .

Vive l'inflation



JEAN-BAPTISTE RUDELLE

Publicité


L'Etat a passé récemment la barre symbolique des 1.000 milliards d'euros de dettes. Le service de cette dette est déjà le premier poste budgétaire. Peu à peu, son poids devient de plus en plus intolérable. Que va-t-il arriver ? Cela paraît simple : le gouvernement sera bientôt contraint soit d'augmenter massivement les impôts, soit de baisser violemment les dépenses. Pourtant, ce n'est pas ce qui va se passer.


La France est un des pays les plus fiscalisés au monde. Même en étant très créatif, l'exercice atteint déjà ses limites. La droite a d'ailleurs fait des baisses d'impôts son cheval de bataille. Si la gauche revenait aux affaires, elle n'aurait pas non plus pour programme une augmentation massive de la fiscalité. Alors tailler sec dans les dépenses ? C'est encore plus difficile. La société française est frileuse et verrouillée par des corporatismes puissants. Diminuer les dépenses pour combler la dette, ce serait mettre du vinaigre sur les plaies bien réelles du corps social, au profit d'un hypothétique futur qui chante.


La droite avance comme mesure audacieuse de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux. Outre que c'est notoirement insuffisant au vu des déficits en jeu, le gouvernement actuel est très loin d'appliquer cela. On ne peut pas non plus espérer de la gauche un sérieux tour de vis. Ce serait lui demander d'aller contre ses aspirations les plus profondes. On ne va donc ni vraiment augmenter les impôts ni sérieusement réduire les dépenses. Et pourtant, la dette ne peut pas enfler indéfiniment.


Heureusement, il existe une potion magique : l'inflation. Impalpable, sans étiquette politique ou idéologique, l'inflation est l'arme parfaite. Elle n'a contre elle aucun groupe de pression organisé. Historiquement d'ailleurs, elle a sauvé beaucoup de gouvernements aux prises avec une énorme dette. Si l'inflation n'est pas déjà réapparue, c'est dû à un inouï accident de l'histoire : la mise en place de l'euro. Au nom de la convergence, l'Europe s'est enfermée dans un carcan monétaire anti-inflation. Moyennant quoi, d'ailleurs, la dette a explosé dans tous les pays de la zone euro. Aujourd'hui, ce Pacte de stabilité prend l'eau. De plus en plus de pays, à commencer par la France et l'Allemagne, ne le respectent pas, et de manière délibérée. Pour l'instant, cela concerne le déficit budgétaire. Mais le tabou est tombé. La prochaine étape sera l'inflation. La logique est inexorable.


Que se passera-t-il à ce moment ? Rien de grave. L'inflation est simplement un grand redistributeur de richesses. Les gens qui ont de l'argent s'appauvrissent et ceux qui sont endettés... s'enrichissent.


La montée de l'inflation permettra aussi d'alléger la surévaluation de l'euro par rapport au dollar. L'inflation dans la zone euro devrait mécaniquement rééquilibrer les devises. En cadeau, un sacré coup de pouce à nos exportateurs. Avec la montée du débat sur les délocalisations, c'est loin d'être négligeable.


Quand le grand soir de l'inflation va arriver, mieux vaut être du bon côté de la lessiveuse. Malheur aux rentiers, aux prêteurs et aux retraités. La richesse subira un formidable mouvement de balancier vers les jeunes, les familles et les entrepreneurs. Bref, vers tous ceux qui s'endettent, soit pour consommer, soit pour investir. Pour aider les « forces vives » du pays, difficile de trouver mieux.


Pour s'endetter sans risque, on n'a encore rien trouvé de mieux que l'immobilier. Investir dans la pierre permet d'avoir facilement un patrimoine financier net négatif. Les heureux ménages des années 1970 et 1980 en savent quelque chose. Grâce à l'inflation, leur endettement pour acquérir leur résidence principale a été relativement indolore.


A l'opposé, lors des périodes de contraction de l'inflation, l'immobilier souffre. Ce fut le cas dans les années 1990 lors de la mise en place des critères de Maastricht.


En conclusion, il est toujours prudent d'aligner ses intérêts avec ceux de l'Etat. Pour un ménage rationnel, le surendettement de l'Etat pousse donc à acheter à crédit et non, comme le voudraient certaines théories économiques, à épargner. Cela veut aussi dire que l'apparente surchauffe actuelle de l'immobilier n'en est pas une. Après avoir été soutenu par des taux exceptionnellement bas, le marché sera demain soutenu par le grand retour de l'inflation. Bref, les ménages français peuvent tranquillement continuer à emprunter pour s'acheter leur maison... à condition de le faire à taux fixe !


JEAN-BAPTISTE RUDELLE est chef d'entreprise.

Publié dans jcv

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article